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Eoz's Game
17 avril 2016

Seule

Ghost2

  Je chante à voix basse pour te distraire. C'est une mélodie rauque, presque enrouée, à cause de la poussière qui stagne constamment dans l'air et qui nous empoisonne. Tu m'obligeais à porter un masque au début, quand on a quitté la maison juste après que Papa se soit fait tué par un clan. Tu me disais que ce masque me protégerait de cette poussière mortelle et que sinon, je mourrais. Tu as toujours aimé me faire peur Jules, pas vrai ? Ça te faisait rire de me voir sangloter quand on était petit et que tu me parlais du croque-mitaine, des cyclopes et des harpies. Mais je savais que même si tu me forçais à attacher ce maudit masque avec un sourire amusé, tu étais sincèrement inquiet. Je le lisais dans tes yeux. Mais ça n'a plus vraiment d'importance, je sais que je mourrais jeune, alors je me fiche de savoir qui me tuera des survivants, de la poussière ou de la maladie. Toi aussi, tu l'as compris.

Mais tu ne veux pas vivre Alice ? Regarde, tu es heureuse, non ? Et puis je suis là. Moi, je ne partirais pas.

Chut, laisse-moi. Jules est là, il ne me quittera pas.

  Je secoue la tête pour me re-concentrer.

  Ma voix était belle avant, et tu aimais m'écouter. Je me souviens que lorsque que tu révisais pour ton Bac, juste avant, tu venais me voir et tu me chatouillais pour me faire chanter. Parfois, j'inventais des paroles pour te taquiner, mais tu ne me faisais pas taire, et je sais que tu ne le feras jamais.

  On marche côte à côte, évitant au maximum les inégalités parfois dangereuses du terrain. Il me semble apercevoir du mouvement dans les buissons mais je n'en tiens plus rigueur. Ils ne méritent pas mon attention et je préfère te regarder. Tu sembles flotter Jules, survolant le sol sans faire de bruit. J'aimerais être comme toi, silencieuse comme une ombre, mais ce même silence me fait peur. Avant, la forêt était peuplée d'animaux. Maintenant, ils sont quasiment tous morts. Comme tout le monde en fait.

Ils t'ont laissés, mais moi, promis je ne te quitterais pas.

Arrête !

Tu veux que je parte ? Tu veux que je te laisse comme ça, abandonnée de tous ?

  Je m'arrête.

- "Jules ?

- Quoi ? "me demande-tu, les sourcils froncés et un pli sur le front. Tu ressembles à Papa comme ça, mais je n'ai jamais osé te le dire.

- "Je... J'ai peur.

- Peur de quoi ? Il n'y a sans doute personne d'assez stupide pour nous imiter et quitter les milieux urbains. Et puis tu n'es pas seule, Jubjube.

- Arrête de m'appeler comme ça Jules. J'ai peur d'être seule."

  Tu t'arrêtes à ton tour pour me faire face.

- "Et moi alors ?" dis-tu d'un ton faussement vexé.

- "C'est pas la même chose.

- Oh, pardon miss Jubjube ! Désolé de ne pas être Thomas Lalande !"

  Je ris. Mais mon cœur se serre un peu. C'était il y a plusieurs mois, une dizaine de semaine après la rentrée. Tu venais de m'avouer, un peu gêné, que la veille, ce n'était pas en compagnie de tes amis que tu étais allé au cinéma mais avec Melek Yilmaz, une fille en TS2, la classe en concurrence avec la vôtre. Tu m'as dit l'avoir embrassée et ça m'a rendu folle de joie. Alors, comme pour te rembourser et être quitte, je t'ai parlé de ce garçon que je croisais presque tous les jours au lycée. Tu t'es moqué de moi, me disant qu'il était plus vieux que moi et que je visais trop haut. Je t'ai alors répondu qu'avoir une année de différence, c'était toujours mieux que dix ans.

- « Aller Alice, tu sais bien que je blague ! t'es-tu exclamé en me décoiffant. Tu lui as déjà parlé ?

- Oui, deux ou trois fois. Il réserve souvent la salle de musique en même temps que nous. »

  Tu as hoché la tête en souriant et tu n'y as presque plus fais allusion, te contentant juste de coups d'œil appuyés lorsque je le croisais et que tu te trouvais dans le coin. Mais cette époque est lointaine, et Thomas Lalande doit être mort désormais.

Tu n'es pas optimiste Alice. Pourquoi ne penses-tu pas à des choses joyeuses ?

Ferme-la !

  Je me remets à marcher prudemment. Il y a trop de morts pour pleurer. Tous mes amis, tous les gens que je connaissais se sont barrés de ce foutu monde au cours des semaines précédentes. Tous les gens que j'aimais. Tous ceux qui m'aimaient. Et je commence à les oublier. Il me faut du temps désormais pour me rappeler de leurs traits, de leurs personnalités, et même de leurs noms...

Encore des pensées négatives... Allons, reprend-toi ! Pourquoi veux-tu te souvenir d'eux ? Ces pensées ne t'apporteront que de la peine et de la douleur. Je ne veux pas que tu souffres. Et tu n'es plus seule puisque je suis là, à jamais près de toi.

Tu me fais peur.

Tu ne devrais pas Alice, je ne te ferrais aucun mal. Je souhaite juste être ton amie, ta confidente. Je veux juste ton bonheur, rien que ton bonheur. Alors que crains-tu ?

Je ne sais pas...

Laisse-toi aller Alice. Tout va bien...

 

  Il y a du bruit dans les ramures. Peut-être que tous les animaux ne sont pas morts finalement ? Peut-être ont-ils mutés ? J'aimerais voir des dragons, ils doivent être de bonne compagnie. Non pas que la tienne me déplaise Jules, mais j'ai envie de rencontrer de nouvelles personnes. Cela fait si longtemps...

  Soudain, la lumière est plus vive, les arbres moins denses. Une route zigzague comme un serpent devant moi. Je te jette un regard et tu me fais signe de continuer alors je sors de la forêt. Tu m'as dit de toujours avancer, de marcher le plus longtemps possible vers l'Est. Je ne me souviens plus pour quelle raison tu m'as ordonné ça mais je te fais confiance Jules, alors je marche.

  C'est rare que je marche sur les routes goudronnées, je les crains encore un peu. J'ai toujours l'impression qu'une voiture va arriver et me renverser. Alors je regarde toujours à gauche, puis à droite et marche rapidement. C'est idiot, plus aucune ne peut rouler, mais les habitudes s'en vont difficilement.

  Les heures passent sans que je ne m'en rende vraiment compte. Te parler m'occupe, et tu as toujours quelque chose à dire, une blague à raconter ou un souvenir à me rappeler. Grâce à toi, je n'oublie rien du monde d'avant. Tu me parles des livres que nous lisions, des films que nous regardions, des jeux que nous faisions. Mais ce que je préfère, c'est t'entendre parler de papa et maman.

  Papa et son obsession pour les vinyles, ses plaintes envers son collègue, son rire bizarre qui ressemble à un « cri de monstre », sa passion pour l'escrime. Puis c'est au tout de maman qui passait son temps à nous lire des poèmes et qui inventait des mots imaginaires quand elle ne savait pas quoi dire. J'adore ces souvenirs du temps où on était tous ensemble, heureux. Mais je suis loin d'eux maintenant, si loin...

  Loin de la ville où on a grandi, loin de la maison en feu.

  Loin du corps raide et froid de papa, loin de ses cris de douleurs, loin de son regard terrifié quand il nous a dit de rester ensemble.

  Loin des martèlements contre l'entrée pourtant condamnée par des planches.

  Loin des soirs où tu me prenais dans mes bras pour consoler mes pleurs incessants.

  Loin du ruisseau de sang.

  Loin de la détonation.

  Loin des supplications de papa, collé contre la porte de la chambre.

  Loin des pleurs de maman.

ARRÊTE ! Arrête...

  Tu m'appelle. J'agite ma tête pour me réveiller. Je ne veux pas de ces images qui me font souffrir mais elles s'accrochent à moi. Si je fais attention, je peux sentit leurs racines plantées dans mon cerveau. Ce sont elles qui me donnent sans cesse des migraines, ce sont elles qui s'immiscent dans mes rêves pour m'empêcher d'y trouver la paix. Et toi Jules ?

  Tu ne te réveilles plus en sursaut la nuit, les yeux hantés par le sang et les cris, comment fais-tu ? Tu ne veux pas me répondre. Pourtant j'insiste, mais ta bouche reste close, refusant de me révéler ton secret. Alors moi aussi, je me tais. Ton regard triste me suffit pour me dire que tu n'as pas oublié.

  Je marche un peu devant toi, mes mains agrippent les bretelles de mon sac turquoise. Il est usé, sale, à l'instar de nos vêtements mais il contient tout ce qui constitue notre vie actuelle. Deux ou trois vêtements de rechange, de la nourriture et de l'eau. Rien d'autre. J'aurais aimé avoir encore des photos de notre famille mais nous sommes partis trop vite. Mais tu m'as dit que temps que je pensais à eux, ils seraient toujours là. Alors, je m'imagine sans cesse leurs visages afin de me sentir moins seule.

  Le temps est grilheure, épais et sombre comme si le soleil aspirait les couleurs. C'est peut-être vrai. Comme la Terre est morte, il doit récupérer ses couleurs pour faire vivre une autre planète. Comme un transfert de sauvegarde sur l'ordinateur. Et nous, nous sommes des virus informatiques qu'il faut détruire pour pouvoir continuer à utiliser l'ordinateur correctement. C'est logique.

  Je sens que tu commences à t'ennuyer alors je recommence à chanter en ajustant ma voix pour qu'elle suive la mélodie que j'entends lorsque je tends l'oreille. Elle tente de s'élever sans grand succès. Je tousse, reprend une inspiration et continue. Tu ris. Je commence à tourner sur moi-même, mes pieds virevoltent. On dirait que je vole moi aussi.

  Même si mes yeux sont rivés sur toi, je crois voir à nouveau du coin de l'œil les ombres qui tremblent. Elles viennent souvent, elles doivent être jalouses de notre bonheur simple. Je les appelle les Verchons car pareils à des vers, ils rampent sur le sol pour nous atteindre tout en poussant des petits couinements de cochons. Mais ils fuient dès qu'ils te voient Jules, alors je n'ai pas peur.

- "Tu as vu Jules ? Ils ne veulent pas t'approcher ! Ce sont de vrais peureux !

- Ils ont aussi peur de toi ! Tu sais te montrer terrifiante.

- Non, pas du tout. Si tu n'étais pas là, ils m'attaqueraient.

- Mais tu saurais te défendre.

- Je ne pourrais pas, c'est toi qui avait notre couteau.

- Il te suffit alors de grogner comme un zombie, Alice", conclut-il en riant. "Tu en as déjà l'apparence !"

  Tu m'amuse, car ça doit sans doute être vrai. Même si je ne me suis pas vue depuis longtemps, je me doute de ce à quoi je dois ressembler. Mes cheveux doivent être sales et gras, et moi visage est sans doute de le même état que le tiens : pâle, couvert de poussière, avec la peau sur les os et de grosses cernes sous des yeux marrons et tristes. Les mêmes yeux que maman.

Non ! Arrête ! Tais-toi ! Pourquoi me fais-tu penser à ça ? Je croyais que tu ne voulais que mon bonheur ! Pourquoi m'as-tu menti ?

Je ne t'ai pas menti, c'est toi qui veux penser à elle parce qu'il est là. S'il partait...

Non ! Je ne veux pas que Jules parte ! Laisse-le ! S'il te plait ! J'ai besoin de lui ! Il a promis d'être toujours là pour moi !

Et moi alors ?

S'il te plaît, laisse-le-moi... S'il te plaît...

  Je me concentre sur ton visage jusqu'à ne voir rien d'autre. Tu trembles, as-tu froid ? Tes cheveux ont beaucoup poussé, sont emmêlés et sales, et tu as un peu de barbe. Et ce que tu es blanc ! Un peu grisâtre même ! Et puis, il y a du sang sur toi. Beaucoup de sang.

  Il a taché tes vêtements et tes mains sont encore rouges. Ton visage porte encore les marques des coups que tu as reçus. Du sang coule sur un côté de ton visage dans un flot continu. Il provient de l'endroit où ils t'ont tiré une balle quand tu t'es défendu pour fuir et les éloigner de ma cachette.

Je t'aime Jules. Je t'aime Ecila.

Moi aussi Alice. Et je te jure que plus jamais, tu ne seras seule.

Plus jamais ?

Plus jamais.

 

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